Bonjour à tous.
Comme promis, voici quelques explications et illustrations, mesures à l’appui, sur les phénomènes d’
effet de baffle et de diffractions qui affectent le fonctionnement d’un haut-parleur monté dans une caisse.
J’ai essayé d’utiliser des termes simples ; si toutefois quelqu’un trouve qu’une partie n’est pas claire, qu’il n’hésite pas, j’éditerai ce message.
Effet de baffle :
La plupart des constructeurs de haut-parleurs effectuent les mesures de réponse en fréquence avec le HP encastré dans un mur, ce qu’on appelle un « baffle infini ».
Dans cette configuration, le rayonnement ne peut s’effectuer que dans l’espace situé côté face avant du haut-parleur (demi-sphère).
Une fois le haut-parleur monté dans une caisse, le rayonnement peut s’effectuer également
derrière l’enceinte (sphère complète). L’enceinte forme un système (caisse + haut-parleur) dont la directivité varie en fonction de ses dimensions. En dessous d’une fréquence dépendant directement de la plus petite de ces dimensions (qu’on appellera arbitrairement « largeur » pour simplifier), le rayonnement est omnidirectionnel (dans tout l’espace,
devant et
derrière l’enceinte) et au-dessus de cette fréquence, la directivité se resserre, créant un rayonnement directif,
devant l’enceinte uniquement. Cette variation dans la directivité crée une différence d’amplitude de la réponse en fréquence de 6 dB entre avant et après la fréquence de transition.
Cette perte d’amplitude s’effectue sur une bande fréquentielle étendue, il faut environ 5 octaves (on passe d’une octave à une autre en multipliant ou divisant la fréquence par 2) pour retrouver la différence de 6 dB.
D’après John L. Murphy (
http://www.trueaudio.com/st_diff1.htm ), on peut définir la fréquence de transition (à -3 dB par rapport à l’amplitude maximale) en Hz par f=115/L avec L la largeur du baffle en m.
Rappel : pour augmenter le niveau sonore d’une enceinte de 3 dB, il faut multiplier la puissance en entrée par 2. Une perte d’amplitude de 6 dB équivaut donc à une perte de puissance d’un facteur 4.
En terme de sensation auditive, par contre, deux fois plus fort correspond à un écart de niveaux sonores d’environ 10 dB.
Il en résulte quelques points importants à considérer :
- lors de la conception d’une enceinte acoustique, ne pas miser sur un haut-parleur donc la
sensibilité (amplitude en dB à 1 m pour 2,83 V aux bornes du HP) ou l’efficacité (amplitude en dB à 1 m pour 1 W aux bornes du HP) est de 90 dB si on veut obtenir 90 dB à 1 m quelle que soit la fréquence une fois le haut-parleur dans l’enceinte
- un constructeur d’enceinte qui annonce une sensibilité de 90 dB alors qu’il utilise un haut-parleur dont la sensibilité en « baffle infini » est de 90 dB, soit ce haut-parleur a une réponse en fréquence
descendante (la sensibilité d’un haut-parleur est souvent annoncée à 1 kHz, voir à la fréquence où le chiffre est le plus flatteur), soit n’a pas compensé l’effet de baffle (ce qui ne sous-entend nullement que la qualité de l’enceinte en question soit à remettre en cause), soit n’est pas honnête (et dans ce cas on mesure une sensibilité inférieure à celle annoncée).
Diffractions :
La réponse en fréquence d’une enceinte pour un haut-parleur donné dépend de la géométrie de la caisse, pas uniquement de ses dimensions (effet de baffle).
L’onde rayonnée est diffractée dès qu’elle
rencontre une arête vive et ces diffractions se manifestent comme la création d’une source sonore. L’effet est très indésirable puisque chaque nouvelle
source créée par diffraction arrive hors phase à l’auditeur par rapport à l’onde directe provenant du haut-parleur, ce qui implique une perturbation de la réponse en fréquence de l’enceinte, aussi bien en module qu’en phase et donc également du temps de propagation de groupe, du waterfall, aboutissant même à un niveau de distorsion plus élevé.
Plusieurs solutions sont utilisées pour éviter ou limiter les phénomènes de diffractions :
- Il faut éviter la présence d’arête vive. La sphère (comme on peut la retrouver par exemple sur les série Nautilus de B&W ou sur les anciennes enceintes Elipson) est la meilleure solution géométrique (je précise que je n’ai aucune action ni chez B&W ni chez Elipson
) mais les chanfreins multiples sont également très efficaces. Il semble couramment admis que la dimension des chanfreins ou arrondis doit être de l’ordre de grandeur d’au moins la moitié de la largeur du baffle-support pour qu’ils aient une efficacité notable. En gros, un chanfrein ou un arrondis de 3 cm pour une largeur d’enceinte totale de 20 cm n’aura qu’un effet esthétique.
- Lorsque le haut-parleur se trouve au centre d’une face d’un cylindre, on est dans la pire situation géométrique (cf site
http://www.trueaudio.com/st_diff1.htm ) : toutes les ondes diffractées (une infinité) arrivent en phase au microphone (s’il est positionné dans l’axe du HP) et donc la perturbation est maximale à une fréquence dépendant directement de la distance arête-source. Le décentrage du haut-parleur sur le baffle-support a pour effet de limiter les effets des diffractions, puisque bien que chaque onde diffractée arrive hors phase à l’auditeur par rapport à l’onde directe, toutes les ondes diffractées n’arrivent pas en phase à l’auditeur, donc leur impact est moindre.
- La mise en place de matériau absorbant peut également limiter les diffractions puisque l’onde rayonnée sur les bords est atténuée. Cependant, la disposition du matériau absorbant est critique, puisque aucun matériau n’étant parfaitement absorbant à toutes les fréquences, il-y-a forcément diffraction de l’onde sur le matériau sur une certaine bande passante. Il faut donc soit choisir un matériau qui absorbe quasi-entièrement toutes les fréquences que le haut-parleur reproduit, soit éviter de découper le matériau absorbant en cercle.
Les mesures d’un tweeter (Seas NoFerro 650) centré ou non dans la largeur d’un baffle-support et encastré ou non (face avant affleurant le baffle ou non) illustrent très bien ces phénomènes de diffractions en fonction de la position du HP sur le baffle-support. Lorsque le tweeter est centré dans la largeur du baffle et qu’il n’est pas encastré, sa réponse en fréquence (figure 1) est assez torturée : que ce soit en module ou en phase (les deux vont souvent ensemble), on a deux perturbations localisées vers 2,5 kHz et 8 kHz avec des déphasages marqués et le module de la réponse en fréquence tient dans 8 dB. L’encastrement du tweeter corrige la perturbation à 8 kHz et la réponse en fréquence (figure 2) est désormais très convenable après 4 kHz. Lorsque le tweeter est décentré sur le baffle-support, la perturbation à 2,5 kHz disparaît et la réponse en fréquence (figure 3) en phase n’accuse pas de perturbation marquée et est linéaire à +/- 2 dB en module entre 1,5 kHz et 20 kHz.
Un Focal 5 W 4211 (cf module de la réponse en fréquence en « baffle infini » dans le pdf, pièces jointes dans le message suivant) est monté dans deux caisses de dimensions externes identique (29x29x23 cm), de charge identique (une charge close donnant une fréquence de coupure à -3 dB à 110 Hz), mais la première (enceinte A) présente des arêtes à 90° alors que la deuxième (enceinte B) présente des chanfreins multiples (6, créant donc des angles inférieurs à 13°). La charge close a un volume de 3 L, une caisse est construite autours de la charge (l’espace inutile entre la charge et la caisse externe est saturé en laine minérale pour empêcher la formation d’ondes stationnaires). Les mesures de ces enceintes ont été réalisées en chambre anéchoïque et sourde.
La figure 4 montre la réponse en fréquence des enceintes A et B en module et en phase. En faveur de l’enceinte à chanfrein multiples, on note des différences d’amplitude entre les modules étalées entre 300 Hz et 3 kHz allant jusqu’à 3,5 dB ! La phase accuse également des perturbations bien plus fortes sur l’enceinte à arêtes vives avec une rotation de phase de l’ordre de 45° entre 1 kHz et 2,5 kHz contre moins de 20° pour l’enceinte à bords chanfreinés.
Voilà, j’espère que c’est clair et pas trop long, en espérant que je n’ai pas écrit de bêtise ! Toute question est la bienvenue et si vous désirez des précisions ou d’autres mesures, n’hésitez pas.
Vincent
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"Moins blanc que blanc, je m'doute, çà doit être gris clair... Mais plus blanc que blanc, qu'est-ce que c'est ??"
-Coluche-