Après de trop courtes vacances, envie de me faire une toile. Ce film vaut-il le coup ?
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Critique lue dans MadMovies.com
Pour reprendre l’expression jadis utilisée pour désigner Erich Von Stroheim, Michael Bay c’est un peu « le cinéaste que vous aimerez détester » tant l’œuvre du bonhomme peut être fascinante même pour ceux qui la honnissent. Chantre de la tôle froissée, apôtre de la destruction de masse, messie de l’americana et King incontesté du bô coucher de soleil sur fond de filtre jaune, le grand (par la taille) Michael représente quoi qu’on en pense une forme d’aberration au sein du contexte de production dans lequel il travaille en ce qu’il se caractérise par une capacité inouïe à verser dans l’excès sur tout et n’importe quoi alors même qu’il opère dans une catégorie de films censé être formatés. Bad Boys II était la parfaite illustration de cet axiome, Bay y pétant complètement les plombs et décidant d’exploser toutes les limites de son cinéma, du bon goût et de la résistance physique et mentale des spectateurs. Pareil monument étant insurpassable, on (enfin moi) se demandait bien ce que le plus californien des réalisateurs allait pouvoir nous concocter ensuite.
Réponse avec The Island qui s’il ne tranche pas radicalement avec le gros de son œuvre n’en représente pas moins une forme de changement dans la continuité pour Bay, qui s’attache ici avant tout à raconter une histoire et non à tout faire péter le plus vite possible. Travaillant sur la base d’un script solide dont le principal défaut est de trop trahir par moments la provenance télévisuelle de ses auteurs, Bay prend ainsi une bonne moitié de film à poser intrigue, contexte et personnages en laissant son style frénétique aux vestiaires. S’il est particulièrement regrettable que le ressort dramatique principal de cette première partie ait été bousillé par une campagne marketing proprement aberrante (quoique compréhensible, le film étant un cauchemar pour marketeux avec son mélange action/thriller SF/drame humain), Bay s’en sort avec les honneurs en réussissant à créer un pseudo-futur immédiatement crédible et brillamment conceptualisé et en parvenant à faire véritablement exister ses personnages pour la première fois de sa carrière, principalement grâce à une direction d’acteurs impeccable.
Evidemment, chassez le naturel, il revient au galop, et le gros boum boum reprend ses droits dans une deuxième moitié qui voit s’enchaîner les scènes d’actions « larger than life » typiquement Bay-iennes. A ce titre la poursuite centrale qui voit s’enchaîner un concours de lancer d’essieux sur SUV et une balade en moto volante au milieu du trafic est un morceau de choix, d’autant que l’intégration des effets virtuels aux cascades réelles y atteint un niveau de qualité rare. Bay réussit cependant à ne pas perdre de vue le véritable but du film et continue à développer en filigrane la série de questionnements moraux et éthiques passionnants qui parsèment le film, donnant au final à l’ensemble un bel équilibre malgré le côté schizophrène de sa structure narrative. Mieux même, il parvient même à créer une véritable tension via quelques séquences horrifiques proprement glaçantes et qu’on n’attendait pas forcément dans pareil film, ainsi qu’une vraie émotion dans la très belle série de plans finaux.
Techniquement bien emballé et plus intelligent qu’on aurait pu le croire, The Island s’affirme donc comme un blockbuster plus que plaisant, ce qui en ce bien morne été 2005 est en soi une réussite. Et si on n’ira pas parler de maturité, il est aussi la preuve que Bay peut quand il le veut faire preuve d’une certaine versatilité dans le choix et le traitement de son sujet. Reste à espérer pour tous les pervers fans du bonhomme que le bide pas franchement mérité aux States ne le découragera pas de continuer dans cette voie. Qui sait, un jour il pourrait devenir grand le sale gamin…
Note : 4/6