Directed by
Dave McKean
Writing credits (WGA)
Neil Gaiman (story) &
Dave McKean (story) .
Stephanie Leonidas : Helena
Gina McKee : Joanne
Rob Brydon : Helena's Father/Prime Minister
Jason Barry :Valentine
Dave McKeane est un dessinateur illustrateur de génie. Il possède une identité marquante qu’il insuffle à chacun de ses travaux. Il a travaillé aussi bien dans l’illustration (couverture de livre, pochette d’album), que dans l’univers des comics (notamment avec Neil Gaiman qui signe ici l’histoire et co-écrit le scénario). Mirrormask est le premier long métrage de McKeane et possède là aussi, toutes les caractéristiques du monsieur, une telle et parfaite transposition de deux mediums avec une réussite aussi parfaite touche au merveilleux, au grandiose.
Mirrormask est un conte, une fable qui prend comme personnage principal une jeune fille, Helena, qui, pour sauver sa mère, se retrouve dans un univers onirique aussi merveilleux qu’inquiétant et doit retrouver un artefact pour guérir à la fois sa maman et ce monde en perdition.
Dès les premières minutes, par un des plus beaux génériques que le cinéma est conçut, on reconnaît le visuel de l’auteur, dans un contexte somme toute évident, et au pouvoir efficace. Le réalisateur illustre un cirque, lieu dans lequel travail Helena et ses parents et que son père dirige. L’univers décalé du cirque correspond parfaitement avec les délires visuels du réalisateur et des thèmes ou contexte abordé par le romancier et scénariste Neil Gaiman. L’introduction expose alors les difficultés d’une jeune fille, qui ne trouve pas forcément sa place dans ce monde, dans ce métier et des conflits qui en résultent avec sa mère. Mais le réalisateur, démontre que cet univers possèdera beaucoup plus d’importance émotionnelle pour l’héroïne, et ce, en utilisant une grammaire visuelle reposant sur les couleurs.
L’arrivée brusque d’un élément parfaitement réel dans ce décor féerique produit un sentiment étrange d’arrachement à un rêve sublimé. L’apparition du monde réel choque finalement, dans cette inhabitude quand on aborde les travaux du réalisateur. Il dépeint ce monde avec une absence de couleur et en employant un réalisme cru dans la réalisation, typiquement anglaise. L’immeuble dans lequel vit Helena et sa famille apparaît comme un vaste tombeau, où chacun meurt un petit peu. La jeune fille essaie d’exorciser ce mal et tapissant ses murs de ces dessins, et apaise son envie boulimique d’échapper à ces mondes (cirque et réalité).
Le réalisateur dépeint une jeune adolescente comme une rêveuse en se rebellant contre ce qui l’entoure. Mais il évite la caricature de la rebelle pure et dure, et lui donne une grande maturité. Maturité, qui aura toute son importance par la suite, qui permettra à l’auteur de développer son récit sans jamais perdre de sa logique.
L’univers onirique prend alors possession du récit. On bascule dans ce monde par la petite porte, par des sons familiers, une représentation d’un contexte connu qui n’est autre que la fenêtre sublimée des évasions d’Helena. On pénètre dans le monde visuel de l’auteur, fait de couleurs délavé, de nuances ambre dont la luminosité vacille comme le ferait une image sur un vieux projecteur. Les éléments apparaissent tous plus fous les uns que les autres, parfois en deux dimensions. Chaque plan recèle un million d’idées et de trouvailles visuels. Les concepts qui régissent en ce monde sont en parfait décalage avec le notre, et prend parfois des tournures humoristiques typiquement british.
Le film devient alors un rêve enchanteur, non dénué de dangers et créatures effrayants. Chaque plan devient un tableau animé, une représentation en mouvement des dessins de McKeane comme si ses travaux prenaient vie devant nos yeux. Nous sommes complètement désenchantés, à deux doigts de se soumettre au syndrome de Stendhal devant la magnificence des images. Il se dégage une telle poésie dans ces délires picturaux, une candeur névrosée, une innocence pervertie par l’absence d’éclat rassurant.
L’histoire suit alors le schéma de la quête mêlé à celui du parcours initiatique sans toutefois correspondre parfaitement à l’exemple type. McKeane et Gaiman se serve de figure rassurante et connue pour éviter de perdre le spectateur dans la richesse et le décalage des idées. Le résultat devient une vague transposition baroque et folle d’Alice au pays des merveilles, que la recherche de l’artefact oblige Helena à enquêter à la fois sur ce monde, et sur elle-même.
Les situations se suivent logiquement, sans outrance et deus ex machina en appliquant une rigueur particulière. Chaque nouvelle découverte dans l’enquête amène la suivante, et dans un nouveau tableau. Parfois, on se sent dans l’esprit d’un jeu vidéo, mais cette progression logique et rigide se retrouve explosée en court de route et évite ainsi de tomber dans l’évidence.
Mirrormask est un chef d’œuvre. Un film qui associe le fond et la forme avec perfection et imagination. La parfaite représentation de l’univers d’un artiste qui n’a, à aucun moment, perverti son œuvre en changeant de medium. Une histoire, une fable à la fois tendre et cruelle, qui ne joue jamais la facilité et qui émeut par son infinie générosité.
Nous sommes transposé comme rarement dans cet univers féerique, littéralement envahit par la beauté des images jamais gratuites. La réalisation est parfaite, jouant sur un minimaliste précis et efficace, jamais dans la contemplation béate ou dans le délire inutile. Elle illustre parfaitement l’histoire, est au diapason d’une œuvre qui ne méritait pas moins. Les acteurs, tous plus ou moins inconnus, sont parfaits, magnifiques. La beauté innocente et fragile de l’actrice incarnant Helena, siée merveilleusement bien au personnage.
Il devient difficile de parler de ce film, du ressenti en le voyant. On est en plein dépaysement, submergé par cette histoire, finalement simple, mais magnifié par des trouvailles et des images, ces aplats de couleurs, ce jeu sur la texture, ces collages, tous les éléments qui font la particularité, l’identité de l’œuvre de McKeane. L’écriture de Gaiman retrouve les tons merveilleux de Coraline (roman pour enfant où certains thèmes abordés sont similaires, et dont la couverture était réalisée par McKeane).
Le film provoque des sentiments rares au cinéma, une telle grâce qui semblait être destinée personnellement. On a l’impression que le métrage ouvre un dialogue avec nous, comme on se perdait dans les images. Mirrormask est plus qu’un film, c’est une expérience picturale, une plongée dans un paysage onirique. Mirrormask est un rêve éveillé sur un écran, qui demande un abandon total, dans lequel on se laisse prendre par la main et diriger dans cette histoire pas complètement inédite, mais que l’on ne reconnaît pas.
Ce film devient une œuvre importante. Il ne révolutionne en rien, sinon les images, le cinéma, n’est pas novateur sur quoi que ce soit, et n’alimentera pas forcément les longues discussions cinéphiliques sur une quelconques significations. Mirrormask est un conte, une fable. Mais les sensations et sentiments éprouvés sont tels, qu’il m’est impossible de ne pas affirmer que ce film est un chef d’œuvre.