[FILM] "Platoon" de Oliver Stone

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helel ben sahar
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[FILM] "Platoon" de Oliver Stone

Messagepar helel ben sahar » 15 Jan 2006, 02:23

Platoon de Oliver Stone


La guerre du Vietnam est une plaie dans l’histoire des Usa, et un sujet en or pour le cinéma. Il serait long et fastidieux d’énumérer tous les films qui prennent pour cadre cet horrible pan de l’histoire, mais de nombreux grands réalisateurs se sont vus attirer par ce contexte, et plusieurs films marquants sont sortis ensuite. Platoon fait assurément parti d’entre eux. Plaidoyer sur les hommes pendant cette guerre, et la perte de leur innocence, de leur âme, Platoon invoque notre humanité à chaque image pour délivrer son message et sa réflexion sur une guerre qui rendit monstrueux, le plus sage des hommes.

Le métrage s’ouvre sur le visage même de l’innocence, frappé de torpeur par sa découverte de ce qui sera son enfer, comme celui des nombreux hommes autour de lui. Taylor sera notre conteur, celui par lequel l’inhumanité nous sera dévoilée, l’horreur dépeinte, l’innocence bafouée. L’homme qui pénètre dans ce purgatoire est à notre image, encore vierge de toutes visions d’horreur, il est notre encre dans cette (ir)réalité. Stone privilégie l’immersion au contemplatif introducteur, il nous fait pénétrer dans cette jungle suffocante, où même le soleil ne parvient pas à percer la barrière végétale. En filmant ainsi au plus près des corps, en gros plans, il accentue la claustrophobie paradoxale de cette immensité naturelle, parvient à retranscrire la chaleur oppressante. On est mal, on étouffe, on voudrait que le convoie s’arrête, fasse une pause, que le cadre s’élargisse. Le lien que l’on entretient avec Taylor est charnel, viscéral, on ressent ses douleurs, sa fatigue, sa vision quand la nuit noire ne nous laisse rien découvrir, jusqu’à ressentir sa peur quand l’ennemi se découvre, mais que nous sommes désarmés. Autour de nous le silence que l’on espère éternel. Stone est un réalisateur qui possède cette volonté de placer le spectateur au cœur du récit, que le rapport soit direct, que la catharsis opère à chaque plan. L’effet est total et pleinement réussi dans Platoon.

Au-delà de la relation qui nous unit, le cinéaste délivre une vision sans concession des hommes et de leur comportement pendant la guerre. Cette face obscure et monstrueuse que nous abritons, et qui se révèle dans ces situations où le stress, la peur, l’odeur de la mort, du sang accompagnent chacun de nos pas et nous conduit tout proche de la démence. La folie guette ces hommes, certains franchiront la limite. Le spectacle est alors insoutenable, malgré les conditions, le contexte, impossible de leur trouver des excuses, impossible de pardonner ce comportement inhumain. Personne n’est à l’abri, même le plus innocent peut déraper. Fable humaniste, Platoon l’est un peu, mais Stone ne s’attarde pas, il n’a pas le temps d’être contemplatif ou complaisant. Le cinéaste a une guerre à filmer. Pourtant, nous ne verrons rien de cette guerre, seulement quelques affrontements, mais aucun élan héroïque, aucune montée épique. Juste l’horreur. Et le parcours de ces soldats, confrontés à eux-mêmes avant d’être face à l’ennemi. Le théâtre de l’inhumanité possède de nombreux acteurs, où les rancoeurs laisseront s’évader les actes irréparables. L’humaniste idéaliste face à la bête de guerre. Stone stigmatise tous les points noirs qui mènent ces soldats à la perte, de l’irresponsabilité à l’incompétence, tous les maux sont décrits, présents à diverses mesures.

Dans la guerre, la première victime est l’innocence, annonce le film. Terrifiante et implacable vérité, qui trouve une place au cœur du film jusqu’à devenir son principal moteur. Taylor qui perd progressivement pied, lui dont le chemin pourtant tracé ne devait pas conduire dans cette jungle barbare, illustre cette sentence. L’homme crédule va s’estomper, tout comme ses mots, sa voix. Elle ne résonnera plus ou presque, ne s’interrogera plus et nous laisse orphelin de sa pensée, unique bouée de sauvetage qui gardait quelque trace d’humanité. Et ce n’est pas le monstre assoiffé de sang qui nous sortira la tête de l’eau. Dans l’effroyable, l’homme ne semble plus avoir de raison, seulement un instinct exacerbé de survie qui le pousse dans ces derniers retranchements. Heureusement, quelques larmes nettoieront cette folie crasse qui recouvre son corps.

Stone se repose sur une histoire forte, des personnages de caractères, une réalisation sans faute, d’une sobriété certaine, mais qui illustre et transcende magnifiquement le sujet. Accompagné d’une galerie de gueules, d’acteurs faisant corps avec leur personnage, la réussite ne laisse guère de doute, et l’on semble bien incapable de relever le moindre faux pas. Il faut se laisser porter par cette poésie démente sur la perte de l’innocence, cette vente d’âmes au diable pour une unique survie. La guerre gangrène les esprits jusqu’à effacer la raison, elle marque les visages et les cœurs. Certains s’en sortiront, mais l’on doute que leur rêves ne les envoient ailleurs que dans cet enfer. Leur corps et leur esprit sont marqués à jamais, et la reconstruction n’est plus permise. Les autres, tombés au front, ne perdureront que dans nos esprits, comme une plaie qui ne se refermera probablement jamais.

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